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Anne-France Dautheville et son chat, Tinanaï, reçoivent leurs invités dans leur maison seine-et-marnaise. Le salon de cette aventurière déborde de livres, le bureau est encombré de stylos et un jardin indiscipliné borde la véranda. Un environnement qui contraste avec la silhouette droite et le port élégant de l’octogénaire, qui ne s’encombre pas de fausses manières.
Née durant la seconde guerre mondiale, boomeuse assumée, elle relate en détail le virage que Mai 68 a représenté dans sa vie. Celui qui lui a donné le goût de l’ailleurs. Voyageuse à moto, elle a fait le tour du monde seule. Egalement journaliste, elle est autrice de vingt-quatre ouvrages, dont le dernier, Roule ma poule, aux éditions Payot (188 pages, 18 euros). Pour Le Monde, elle accepte de faire un bond dans le temps et de raconter ses 20 ans.
Il est nécessaire de dépasser le formatage d’une éducation. J’ai grandi à Paris dans une famille bourgeoise et protestante. Ma mère était dentiste, mon père commercial. Je suis née en 1944, après que mon père, alors soldat français, a été rapatrié, squelettique, d’un camp de prisonniers allemand.
J’ai été élevée dans le 16e arrondissement, selon les préceptes de la « bonne éducation », et j’ai reçu une instruction religieuse. On m’a appris l’obéissance absolue et une parfaite discipline. La tendresse ne s’exprimait pas. Garçons et filles étaient éduqués pour qu’ils ne se sentent jamais importants, qu’ils soient dans une perpétuelle culpabilité qui les conduirait à aller vers le mieux. C’était très XIXe siècle. L’éducation que j’ai reçue ne correspondait absolument pas à mes envies de vie.
La plupart des femmes passaient du monde des parents à celui du mariage. Et cela sans transition. C’est également ce que l’on attendait de moi.
Ma mère était terrorisée à l’idée que je perde ma vertu à l’adolescence. Un soir, alors que j’ai 17 ans, elle me convoque dans la cuisine. Elle m’explique que tous les hommes sont des salauds, des séducteurs qui voudront me faire boire et, une fois ivre, me feront des choses épouvantables avant que je termine dans le caniveau. Elle m’annonce alors qu’elle va m’apprendre à boire.
Chaque soir, en rentrant du lycée, puis de la faculté, ma mère me faisait boire de l’alcool ou du vin pour me mithridatiser. C’était une obsession, cette peur que je tombe dans les pattes d’un homme qui me séduise.
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